dimanche 18 novembre 2007

La première neige - visite du village

Les premiers vrais flocons de neige sont tombés sur Natashquan en début de semaine dernière. Ils auront, l'espace de 4 jours, recouvert le village d'un tapis blanc quasi-immaculé. Hélas, la pluie et les températures absurdes de cette fin du monde (le thermomètre est remonté au dessus de 12° en fin de semaine!) ont balayé tout cela en quelques minutes de tempête. Voici, immortalisées, des images de ce paradis blanc éphémère. J'en profite pour vous présenter certains des bâtiments principaux de notre communauté.


Notre maison, que vous connaissez déjà.


La grange, après la première salve. C'est là que nous entreposons notre bois. Vous apercevez l'église derrière.


Vue de la route, de gauche à droite : notre maison, la galerie artisanale (ouverte seulement en été), le chalet du petit Lionel, et la grange.



Les Galets, vus du jardin.


La municipalité, avec, à gauche, les studios de Radio C.K.N.A., au centre la bibliothèque, et à droite le bureau de poste.


L'école Notre-Dame des Anges, ou Roger Martineau (célèbre médecin de Natashquan), qui comprend 3 classes de secondaire, 4 classes de primaire et une classe de maternelle.


Le centre du village, au carrefour entre la route 138 et l'allée des Pères Eudistes qui mène à l'école.


L'église et le presbytère, qui sert maintenant de local aux deux policiers du village.


À gauche, la quincaillerie-station-service de Natashquan.
À droite, le Marché de Natashquan, épicerie générale.


N.B. Depuis la rédaction de cet article, la neige est revenue à Natashquan. Il semble cependant que le village et ses alentours subissent un micro-climat bizarre et des températures plus élevées qu'ailleurs. Ceci dit pour modérer les craintes liées au réchauffement climatique exprimées plus haut. Le petit Lionel m'a tout de même confié que les hivers ne sont plus ce qu'ils étaient dans le temps. La véritable neige n'arrivera pas avant janvier.

Gallerie d'artistes locaux

Depuis le jour de mon arrivée à Natashquan, je reçois de nombreux dessins d’élèves de la classe de Marie-Ève. Des portraits surtout, mais aussi des scènes de mon enfance, ou encore des projections de mon incertain avenir. Voici, parmi l'abondante production que je reçois hebdomadairement, une sélection des meilleures œuvres du 2è cycle de l'école Notre-Dame des Anges.

Autoportraits :

Notez le dollar dans le cou, extrêmement tendance, ainsi que le retour de la banane. Ces autoportraits ont été réalisés par Brian et Joël.




Scènes de la vie quotidienne :

Le Ski-doo et la chasse à l'orignal sont les deux activités principales de l'homme de Natashquan. Sortir la grosse artillerie de préférence.




Mariage anticipé :

Le sujet fait jaser les enfants. Les interprétations divergent, mais tout cela respire le grand bonheur.



mardi 13 novembre 2007

La radio de Natashquan et les autres médias

Cet article a été écrit il y a déjà deux semaines, au début du mois de novembre. J’ai depuis appris un certain nombre de choses concernant les médias à Natashquan, qui rendent ces lignes imprécises et lacunaires à plusieurs égards. N’ayant pas le temps de les retravailler, je vous les livre telles quels, vous promettant une « suite » qui contiendra les rectifications qui s’imposent. En attendant, vous trouverez dans cet article certains liens Internet complétant les informations ci-dessous.

Radio

Je l’avais déjà mentionné, Natashquan dispose d’une radio communautaire, radio CKNA 104.1, véritable plaque tournante de l’information au village. C’est la seule radio captable par bande FM. Sur les longues ondes, il est également possible de capter Radio Canada Côte-Nord (qui fêtait justement ses 25 ans d’existence le 1er novembre dernier).

Devenu un fervent auditeur de CKNA, je crois pouvoir dire qu’elle ne dispose que de deux animateurs. Animatrices en fait, qui s’occupent de deux émissions sur la journée : « l’Essentiel », le matin de 7h30 à 10h, et « Bonjour chez vous », de 13h à 15h. Le reste du temps, la fréquence 104.1 est occupée par une autre radio, sélectionnée préalablement par l’animatrice de CKNA (qui s’occupe de la technique en même temps, cela va sans dire). Cela dépend des conditions climatiques : s’il n’y a pas trop de vent, elle nous cale sur Cile-Mf, la radio du Havre-Saint-Pierre. Mais généralement, la réception de celle-ci est d’exécrable qualité et nous sommes presque toujours redirigés vers « Rythme FM » ou « Rock Détente », radios commerciales montréalaises pleine de talk-show consensuels, de bon-sens ménager nationaliste et de chanteuses à voix égorgées. Le décalage ne pourrait être plus grand entre les ignominies de ces radios et la vie à Natashquan. Il est néanmoins bon de ne pas se sentir concerné par un point inforoutier décrivant les embouteillages à l’entrée de Montréal, ou par une publicité pour Ikea. Mais qu’est-ce qu’un habitant de Natashquan comprend à ces sornettes, je n’en sais rien du tout…

Les programmes de CKNA démarrent à 7h30 par les informations de… Radio-Canada Côte-Nord. Vient ensuite la « prière » (voir document sonore 1) : récitation interminable et passionnée du chapelet suivi d’un « chant religieux ». À 8h débute « l’Essentiel » (voir document 2), qui contient tout ce qu’un habitant de Natashquan doit savoir : la météo, l’horaire des marées, les anniversaires du jour, les tirages du loto, l’ « astro-jour » (voir document 3), les rabais de l’épicerie et de la quincaillerie, les petites annonces, l’horaire de la messe et du bingo, etc. Tout le monde s’y retrouve. L’émission de l’après-midi est consacré à l’approfondissement de certains thèmes (actuellement les élections scolaires – présentation des candidats, interviews, etc.) et à certaines rubriques sur la nature, le monde rural, la psychologie et le monde de l’enfant, ou encore des recettes (le jeudi) (document 4) ou un jeu-concours (le vendredi).

Les émissions de CKNA sont généreusement entrecoupées de pièces de folk et de country du meilleur cru. Qu’y a-t-il de plus agréable que ces chansons (toujours en français, évidemment), parlant de chasse à l’orignal, de neige et de motoneige, de marins sur le Saint-Laurent, de blondes délaissées du Havre, d’Acadiens bourrés et de Montagnais mystérieux. Chaque morceau a un rapport direct avec la vie quotidienne sur la Côte Nord. Nous vivons en véritable autarcie musicale, les villageois ne voulant rien entendre d’autre que de la « country Côte Nord ». J’ai pu me rendre compte de l’aura dont jouissent certains groupes locaux à une soirée « chasse et pêche » le mois dernier. Tout le monde connaissait les airs et les paroles de chaque morceau, et au premier mouvement de guitare ou de violon, toute la salle, jeunes comme anciens, montait sur la piste et se mettait en ligne en dandinant le derrière. Malheur au musicien qui se tente à improviser dans un autre style. On peut reprendre du Cabrel si on veut, mais à la sauce country ! Dès que j’aurai mis la main sur certains disques, je vous en ferai profiter sur ce blog.

Radio Canada Côte-Nord, recevable sur les longues ondes, dessert quant à elle un gigantesque territoire allant de Baie-Comeau à Blanc-Sablon, à l’extrémité est de la côte, en passant par Shefferville et Fermont, au Nord. Elle est basée à Sept-Îles. Radio Canada disposait aussi avant d’une télévision locale, mais qui a disparu, paraît-il, suite à des coupures budgétaires en 1990.

Télévision

Marie-Ève et moi avons décidés de ne pas prendre la télévision ici, je ne peux donc vous renseigner sur les spécificités locales de ce média. Je crois néanmoins qu’une station basée au Havre-Saint-Pierre dessert également Natashquan.

Presse écrite


Le Nord-Côtier, le Nord-Est et le Portageur.

À Natashquan-même est édité un petit hebdomadaire gratuit appelé « Le Portageur », comprenant, outre les informations que donne aussi la radio, des compte-rendus d’activités (soupers, fêtes, assemblées générales, etc.) ainsi que des articles de fond sur la vie de la région. Il est distribué à Baie-Johan-Beetz, Aguanish, Île-Michon, Natashquan, Pointe-Parent et Nutashkuan.

Deux autres journaux sont distribués à Natashquan : Le Nord-Côtier, vrai journal d’information locale et le Nord-Est, à vocation souvent plus publicitaire, basés tous les deux à Sept-Îles.



à suivre sur ce blog :
Gallerie de dessins reçus des élèves de Natashquan.
Petits potins de vie quotidienne
Découverte de Natashquan à travers certaines chansons de Gilles Vigneault

mardi 6 novembre 2007

Noël s'en vient mourir à Natashquan

Ce dimanche, nous avons eu l’honneur d’accueillir à Natashquan la « queue » de la tempête Noël, celle qui a ravagé les Caraïbes la semaine dernière. La radio nous avait prévenu qu’elle arriverait à hauteur du village dans la nuit de samedi à dimanche, aux alentours de 2h.

La journée de samedi avait été magnifique. Seule une mauvaise nouvelle était venue l’assombrir quelque peu : notre commande de bois avait été annulée de manière assez culottée par notre gars d’Aguanish. On se retrouvait donc à l’entrée de l’hiver sans bois de chauffage. Situation inquiétante certes, mais pas désespérée.

Au programme de la soirée de samedi, agapes et danse country dans le sous-sol de la poste. Guitare, accordéon et déguisement de circonstance, la bière et le gin coulaient à flot, les gigues succédaient aux valses et aux square dances. La journée avait été magnifique, la soirée était délicieuse. Quand nous quittâmes la salle de fête, parmi les derniers, le vent se leva et la neige se mit à tomber comme dans un rêve, pour couronner une nuit mémorable.

Le lendemain matin, nous nous rendîmes jusqu’à l’église pour la messe dominicale. Le vent soufflait comme à ses bons jours et la pluie était lourde et glaciale. Rendu à l’église, nous nous heurtâmes à une porte fermée. Pas de messe. Nous rentrâmes donc chez nous, trempés et transis de froid, pour découvrir que l’électricité avait été coupée pendant notre promenade.

Au Québec, quand il n’y a plus d’électricité, il n’y a plus rien : plus de chauffage, plus de chauffe-eau, plus de cuisinière, plus de four, plus de frigo, plus de lumière. Je faisais ces découvertes progressivement, tout en essayant de garder un peu de chaleur dans la maison, tandis que dehors le vent redoublait d’intensité.

Une coupure d’électricité, ça se répare, me disais-je, imaginant qu’un petit gars d’Hydro-Québec n’allait pas tarder à nous redémarrer tout ça. Et pendant que tout Natashaquan patientait sereinement devant de beaux poêles à bois et autres cheminées bien fournies, Marie-Ève et moi essayions de lire dans le salon, empilant graduellement nos plus gros pulls les uns sur les autres. À 14h, la température de la pièce devint gentiment intenable. La tempête battait son plein, et nous voyions par la fenêtre la mer rouler d’immenses vagues inquiétantes qui plongeaient toujours plus avant.

Pour ajouter à l’inconfort et au lourd sentiment de solitude, le téléphone avait également été coupé. Incapables de lire, de travailler, de téléphoner ou de jouer au scrabble (entre autres tentatives de s’occuper la tête), nous passions le temps comme nous le pouvions à d’improbables exercices physiques et vigiles à la fenêtre. Nous avions laissé stagner de l’eau dans la baignoire, à l’étage, et seule cette pièce de la maison conservait une température acceptable. Nous nous figions lentement mais sûrement.




À 15h30, la lumière nous quitta (nous étions passés à l’heure d’hiver le matin même). À 16h, nous plongions dans une obscurité terrifiante que je n’avais jamais expérimenté auparavant. Armé de quelques chandelles, nous essayions de garder le moral. La seule idée raisonnable que nous eûmes alors fut de sortir braver la tempête jusqu’à l’épicerie, pour s’acheter des chips et de l’alcool (en priant que le magasin fut resté ouvert). Affublés de combinaisons « bibendums », nous faillîmes être emportés dix fois plutôt qu’une par des vents d’une force incroyable. Heureusement l’épicerie, qui dispose d’un petit générateur, avait laissé ses portes ouvertes. La moitié du village se serrait à l’intérieur et une petite radio réconfortante crachait de l’accordéon festif. La petite employée courait dans tous les sens pour satisfaire les demandes exceptionnelles de ses clients. Elle vendit notamment tout son stock de bougies de Noël et d’huile à lampe. Nous achetâmes une soupe, des chips et du whisky, et récoltâmes quelques informations sur l’avancée de Noël. Apparemment, toute la région de la Côte Nord, de Sept-Îles à Blanc-Sablon, était paralysée sans électricité et sans téléphone. Idem pour la Nouvelle-Écosse. Il ne fallait pas attendre d’amélioration avant le lendemain.

C’est une maison fantôme qui nous accueillît au retour. Le sentiment est étrange : nous rentrons chez nous, au milieu d’objets et d’appareils qui nous sont familiers, qui n’ont pas bougé de place, mais qui, plongés dans la noirceur et devenus inutiles, prennent une dimension grotesque et effrayante.



Nous versâmes la soupe dans un bol que nous tentâmes de faire chauffer avec quelques bougies, riant du ridicule de la situation. Si nous avions eu du bois, tout aurait été tellement plus simple, et plus agréable. Mais notre cheminée n’étant pas ramonée, nous ne pouvions même pas piquer une bûche ou deux à un voisin. Pourquoi alors n’avoir pas accouru chez un ami, pour passer la soirée au chaud ? L’idée nous traversa évidemment l’esprit, mais notre amour-propre prit le dessus. Nous ne voulions pas être le petit couple de citadins incapable de faire face à la première tempête venue. Pas de bois en novembre, je vous le dis, c’est la honte !

Nous retentâmes une partie de scrabble, se réchauffant au whisky et au gin, avalant de grosses poignées de chips au piment, tout en mélangeant notre misérable potage sur chandelles. Avec le recul, ce fut assez amusant. Et puis, nous (re)découvrions les propriétés exceptionnelles de la bougie, qui diffusait, outre de la lumière, un peu de chaleur autour de la table. Notre petite cabane tremblait de tout son bois, vibrait, pleurait sous les assauts du vent qui s’infiltrait entre les planches. Nous n’étions pas peu fiers de son courage et de sa robustesse. Où plutôt, nous lui faisions confiance. Elle en avait vu d’autres.



À 8h, de guerre lasse et transis par le froid, nous bûmes notre potage. Il « chauffait » depuis plus de trois heures et avait atteint une température désagréable que nous pourrions qualifier de « corporelle » : il n’était ni chaud ni tiède, mais un peu des deux à la fois. Armés d’une mini lampe de poche, nous montâmes ensuite dans notre chambre et lûmes à la chandelle en attendant le sommeil. Il n’y avait que cela à faire.

Vers 3h du matin, l’électricité revint dans la maison comme par miracle. Quelques lampes s’allumèrent, le frigo recommença à ronronner. Nous émergeâmes de notre engourdissement avec ravissement. Le vent s’était tu. Par la fenêtre, nous revîmes scintiller l’éclairage public de Natashquan. D’excitation, je ne pus retrouver le sommeil, vagabondant dans les pièces de la maison, qui recouvrait petit à petit son aspect familier et chaleureux.

À 5h, le soleil se levât, et je ne manquai pas une minute de son retour sur Natashquan. Assis sur le banc de la galerie craquant de gel, je le regardai inonder progressivement le village et finir sa course sur la mer redevenue calme et claire.



après la tempête...

La journée de lundi fut merveilleuse. Les oiseaux firent leur réapparition très tôt, les voitures redémarrèrent et le ciel se figea dans un bleu transparent. Il n’y avait plus une once de vent. À 8h, alors que je sortais de ma douche, je découvris un tas de bûches sèches devant la porte de la maison. Et quelques minutes plus tard, un autre tas devant la grange. Quel mystérieux philanthrope avait bien pu nous apporter du bois sans se manifester ? Nous découvrîmes le soir, après avoir téléphoné à certains villageois, que la bonne et généreuse Madame Lise (dont j’aurai l’occasion de vous reparler), nous ayant entendu parler de notre problème de bois lors de la soirée de samedi, avait chargé son frère de nous apporter une corde de secours.

L’école n’ayant pas ouvert ses portes ce jour-là, Marie-Ève m’aida à corder le tout dans la grange. Nous allâmes ensuite boire un bon verre de gin chez le petit Lionel, qui nous déclara qu’en septante-cinq ans à Natashquan, il n’avait jamais vu pareille tempête. La hauteur des vagues, à cette époque-ci de l’année, avaient un caractère hautement anormal.

Mais le principal, n’est-ce pas, était de profiter de cette splendide accalmie que fut la journée de lundi, lumineuse et limpide. À la radio, nous apprîmes que l’on attendait quinze centimètres de neige pour mardi.



Actualité oblige, je reporte la parution d'un article très intéressant sur Radio C.K.N.A., la radio communautaire de Natashquan, que je vous avais préparé pour aujourd'hui. Il sera en ligne en fin de semaine.

jeudi 1 novembre 2007

Halloween

Natashquan a fêté Halloween hier soir dans une effervescence toute relative. L’école était en fête (ici, les vacances de Toussaint n’existent pas), et élèves et professeurs s'étaient déguisés pour l’occasion.

Après les cours, le but du jeu pour les enfants est de passer de maison en maison pour récupérer le plus de bonbons possible. Cela en tachant de ne pas se faire reconnaître sous son déguisement. À mon grand soulagement, nous n’avons reçu que très peu de monstres dans notre cabane. D’abord parce qu’il n’y a vraiment pas beaucoup d’enfants à Natashquan, une trentaine tout au plus (la plupart des élèves vivent dans la réserve de Pointe-Parent et ne reviennent pas jusqu’ici pour les bonbons), ensuite parce que notre maison est un peu isolée, qu’il faisait très froid et que, mine de rien, nous sommes encore considérés comme des étrangers au village. Je ne m’en plains pas, ça fait plus de bonbons pour nous.

Marie-Ève avait pour l’occasion fabriqué une tête de citrouille (photo) qui rendait la fête presque sympathique à mes yeux. Heureusement, la folie commerciale ne saurait atteindre une région éloignée comme la nôtre, et les citrouilles n’étaient pas en plastique.