lundi 29 octobre 2007

Bulletin météo


Instantanés d'automne

Dans les premiers jours qui ont suivi mon arrivée, il a fallu me battre pour ne pas immédiatement enfiler mon énorme manteau d’hiver, tant j’avais froid. J’ai tenu le coup et je me suis peu à peu habitué à la température, ne dépassant jamais les 10 degrés en septembre. Le vent de la mer, surtout, transperce les os, gèle le nez, les oreilles et les mains. Néanmoins, le soleil est d’une puissance supérieure au soleil belge. Il procure une clarté inégalable, un ensoleillement total plusieurs heures par jour, même au creux de l’automne, ainsi que beaucoup de chaleur. Du coup, quand le vent se calme, on revit l’été indien.

Depuis deux semaines maintenant, il gèle pendant la nuit. La température chute allégrement sous zéro, faisant croustiller l’herbe brune à l’aurore, et embuant les fenêtres. Mais les journées sont encore tout à fait agréables, au dessus des moyennes saisonnières paraît-il (tiens donc). Seul le vent, le maudit vent, nous empêche de sortir de chez nous sans préparatifs. Voilà trois jours qu’il souffle à tout rompre. Des rafales à 100 kilomètres heures, si pas plus. Notre petite cabane tremblote dans la tempête qui siffle, souffle et hurle. Quand nous sortons, nous devons nous plier en deux pour ne pas nous envoler. Les marées sont très hautes, et des vagues remplies de moutons viennent se briser devant notre dune, à 200 mètres de la maison.

Ce matin, j’ai vu mes premiers flocons de neige. Enfin, c’était plutôt un crachin de pluie gelée, mais c’est la procédure habituelle pour annoncer la neige. Moi qui n’en ai jamais vu, je trépigne d’impatience. Je ne peux me rendre compte de ce que c’est. Dire que tous les paysages que je vois pour le moment, le village, la route 138 qui se perd dans les tourbières, les rivières, les lacs, les forêts, tout cela va être recouvert d’un épais manteau blanc. Des mètres de neige, partout. Et le vent continuera à souffler, provoquant des blizzards nous condamnant à rester parfois plusieurs journées sans sortir. Les températures atteindront sans problème les – 40° celsius. On m’a prévenu ! À cette température, les courses de l’épicerie ont le temps de geler sur la route du retour, le nez devient bleu, la salive gèle. J’aurai tout le loisir de vous décrire cela en temps et lieu, de vérifier si ce que l’on me raconte en se poussant du coude est vrai ou légèrement exagéré.


dimanche 28 octobre 2007

Bûcheronnage et autres nouvelles


Après Natashquan

J’avais acheté une superbe veste à carreaux, molletonnée et tout, l’habit à la dernière mode de Natashquan, le truc parfait pour travailler dehors sans avoir froid. Jusqu’ici, je me contentais de me promener avec de la maison à l’école et de l’école à l’épicerie. Je buvais aussi parfois une Budweiser ou une Black Label sur le banc de ma terrasse, en remontant la visière de ma casquette pour regarder la mer, le coucher de soleil et les étoiles.

Depuis une semaine, j’ai une excellente raison de porter ma chemise à carreaux molletonnée et de boire de la « Bud » : avec Stéphane, l’infirmier du village, nous allons couper le bois sur la route de Kegaska. Dès que le temps le permet, nous chargeons nos scies et nos haches dans un superbe pick-up vert et c’est parti. Nous avons acheté au ministère des ressources naturelles (à un prix dérisoire), un permis qui nous autorise à couper de quoi stocker trois cordes de bois.

Natashquan, finalement, c’est grand comme la Belgique, et nous pouvons aller où nous voulons. Aucune restriction, si ce n’est le flanc sud de la route 138, c’est-à-dire la rangée d’arbres qui borde la mer. On ne va tout de même pas défigurer le paysage lorsqu’il y a des centaines de kilomètres de forêt de l’autre bord de la route. Nous avons trouvé le « spot » parfait à l’endroit exact où se termine la route. De nombreux sapins y sont tombés avec le vent.

Il faut habituellement couper le bois lorsque la lune décroît, car c’est à ce moment-là que l’eau s’évapore de l’arbre. Nous trichons un peu, mais comme nous ramassons plus que nous ne coupons, ce n’est pas si grave. Le bois que nous prenons maintenant ne pourra pas être brûlé tout de suite. Il faudra attendre au minimum un an avant qu’il ne sèche suffisamment. Nous le stockons donc dans la remise, pour plus tard. De toute façon, Marie-Ève et moi avons déjà commandé trois cordes pour cet hiver à un gars d’Aguanish. Ce ne sera pas suffisant (nous nous y sommes pris trop tard), mais ce sera toujours ça.

Pour ce bois-là, qui nous servira cette année, j’ai appris grâce à mon voisin Lionel et à l’infirmier Stéphane à fendre les bûches à la québécoise, en « laissant tomber » de toutes ses forces une grosse hache sur le rondin. C’est épatant de voir de gros morceaux se fendre en deux après une couple de coups ! Épatant aussi de voir ses muscles se développer aussi rapidement… Le bûcheronnage vaut toutes les salles de musculations du monde !



La vraie fin de la route, Stéphane au travail, le "spot parfait" et le résultat de trente minutes de travail.

Je vous ai parlé de la route de Kesgaka : Kegaska est un village anglophone situé à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Mais attention, car la route de Kegaska ne mène pas à Kegaska, puisqu’elle s’arrête 18 kilomètres après Natashquan. Pour se rendre là, il faut prendre le bateau, ou attendre l’hiver et s’y rendre en motoneige.

Il y a dix ans, Natahsquan était dans la même situation, sans route la reliant aux autres villages. Imaginez avec quelle libération les villageois de l’époque accueillaient les premières neiges. Celles-ci leur permettaient enfin, grâce aux traîneaux et plus tard aux motoneiges, de rejoindre les villages voisins.

Sur la route de Kegaska, qui ne mène exactement nulle part, la circulation est assez importante en cette fin d’automne. On y croise les « quatre-roues » des innus qui font la course, les camionnettes des chasseurs à la recherche de pistes où venant vérifier leurs collets, d’autres bûcherons ou encore des cueilleuses de fruits (ce n’est plus la saison de la chicoutée, dont il faut absolument que je vous parle, mais l’on trouve encore des berrys dans les clairières).

Stéphane m’a dit qu’en hiver ce sera encore plus le fun, parce qu’on ira bûcher en motoneige (ici, il faut dire ski-doo). On pourra donc atteindre facilement des endroits éloignés de la route.

Vous me suivez toujours? Quelle confusion ! Il est tellement difficile de vous expliquer quelque chose sans immédiatement avoir envie d’en expliquer des centaines d’autres. Voilà pourquoi ce blog semble s'essoufler un peu. C'est qu'il se passe plein de choses ici, et la vie quotidienne de Natashquan est passionnante à qui la découvre.

Je suis donc en train de vous préparer des articles très thématiques sur la vie du village et son histoire, dans le but de vous transmettre certaines bases qui vous permettront de mieux comprendre par la suite mon expérience à Natashquan. Je vous raconterai quand est arrivée l’électricité ou la télévision, comment le facteur acheminait les lettres jusqu’à Natashquan avant la route, comment a été accueillie la construction de cette route, qui sont les innus et quelle est leur histoire, ce que signifient la chasse et la pêche pour les villageois, qui sont ces villageois et qu'en reste-t-il, s’il existe encore des trappeurs et si l’on mange autre chose que du poisson (entre autres choses)…

Je vous promets aussi, pour cette semaine, des nouvelles de ma santé et de mon travail.

Jusqu’au revoir,

Guillaume.

dimanche 14 octobre 2007

Un peu de Natashquan

L'article que je vous ai promis de retour sur mon premier mois ici ne sera mis en ligne que d'ici quelques jours. En attendant, voici un texte de Gilles Vigneault sur Natashquan, ainsi qu'une chanson de Gilbert Bécaud, intitulée "Natashquan".


Gilles Vigneault : Aux gens de Montréal


Gilles Vigneault

Aux gens de Montréal qui parfois encore, nous interrogent :
- Mais, Natashquan, où est-ce ?
- C’est bien loin de chez-vous… qu’il faut répondre.
- Loin… combien loin ? Insistent-ils parfois.
- Oh ! Plus loin que ça, Madame, Plus loin que votre voiture peut vous mener.
- C’est toujours bien pas la France… avec un nom de même ? Rétorque la dame, en se moquant un peu.
- Non Madame, mais je dois vous dire que vous êtes dans la bonne direction.

Alors on sent que le doute commence à faire son chemin et que l’inquiétude le suit. On s’explique :

- Voyez-vous, Madame, en avion, ça coûte, selon les tarifs et la saison, plus ou moins 500$, un billet Montréal-Natashquan.
- Quoi, mais c’est le double de la Floride ?
- Oui Madame, et ce n’est pas à moitié plus froid !
- Mais vous, Monsieur Vigneault, vous y allez encore, des fois ?
- Oui… deux ou trois fois l’an. L’hiver c’est l’avion, forcément.

Je n’aime pas la motoneige. Et l’été… c’est en voiture jusqu’au Havre-Saint-Pierre et de là, en bateau… Mille deux cent kilomètres en tout. Il reste un kilomètre à faire pour atteindre le village. Là, le mieux… c’est à pied. Comme à Paris, Madame !

- Là vous exagérez…
- Mettons que je transpose ! Mais je vous assure, il faut voir Natashquan à pied… Et, énorme avantage sur Paris, il y a partout de la place pour vos pieds. Mais ne vous y trompez pas, c’est aussi grand. Moins peuplé, me direz-vous. Moins bâti ? Peut-être. Mais on sent que les temps changent. Tenez : Il n’y a pas encore de route, ça, vous l’avez compris, eh ! bien, chaque été, on voit des Parisiens à Natashquan.

- Mais une fois rendu là… y a-t-il quelque chose à voir… quelque chose en particulier ?

- Oh ! Madame. Énormément… Ou si peu… c’est selon votre œil ! Le quai, vous venez de le voir. L’église. L’ancienne école, avez-vous remarqué les plaines à plaquebières, c’était sur le chemin du quai, faudra le refaire. Et puis la dune, les côteaux de sable… la plage, la mer… le pont sur la rivière, les îles de l’ouest. Mais, vaut mieux vous le dire tout de suite : à l’ouest de Natashquan, c’est encore loin dans l’est [...]

Gilbert Bécaud : Natashquan


Cette chanson a été écrite par Gilles Vigneault pour Gilbert Bécaud, deux chanteurs au répertoire assez identique. Je vous proposerai dans un autre article une sélection de chansons de Gilles Vigneault inspirées de Natashquan et de sa région.

Ce morceau est extrait de l'excellent cd routier « Sur la route de Natashquan », édité par la Corporation de développement patrimonial, culturel et touristique de Natashquan (Copacte).



Gilbert Bécaud - Natashquan



mercredi 10 octobre 2007

Pointe-Parent (Nutashquan)

On s’est enfin décidés, samedi dernier, à marcher jusqu’à Nutashquan, officiellement Pointe-Parent, la réserve innue située à cinq kilomètres de Natashquan. « Réserve » est paraît-il le terme qu’il faut employer; « tribu » ou « communauté », c’est discriminant.

Je me suis jusqu’ici contenté sur ce blog de vous décrire mon environnement sans trop entrer dans l’analyse. Ce sera également le cas pour ce billet, où je n’aborderai, via des photos, que notre promenade. Il y a déjà tellement de choses à en dire. Plus tard, lorsque j’aurai épuisé le potentiel dépaysant de la région, mais surtout que je vous aurai familiarisé avec le cadre dans lequel je vis, je reviendrai sur le village de Nutashquan, sur la foule de questions que sa visite soulève, sur l’histoire et la position socio-économico-culturelle de la population qui le compose.

On est passés par la plage, une plage profonde et vierge de toute empreinte humaine, ne serait-ce quelques traces fraîches de « quatre-roues » faisant la liaison Natashquan – Pointe-Parent. Les couleurs (que vous ne pouvez qu’imaginer avec les photos ci-dessous), sont renversantes, indescriptibles. Le vent souffle si fort qu’il nous étourdit, nous écrase. Mais des colonnes de sable emportées par le vent nous guident vers un horizon infini de bleu et de vert. L’eau a le noir de l’encre, le ciel, immense et clair, nous fait vaciller. Nous ne sommes plus que deux grains de sable au milieu de la nature toute-puissante.

À mi-parcours, nous croisons le squelette d’une drôle de bestiole, qui, d’après les nombreuses discussions que nous avons eu par la suite au village, semble être un dauphin, chose plutôt rare dans la région.

Le premier indice de notre arrivée imminente à Pointe-Parent est une rangée de bouteilles d’alcool plantées dans le sable de manière cabalistique. Plus loin, le village désert nous accueille dans un nuage de sable.

Nous sommes revenus à Natashquan par la route 138 et en avons profité pour aller observer la "fin de la route", du moins dans sa version asphaltée, car le chemin se prolonge ensuite en sentier de terre, sous le doux nom de "route blanche".


Voici le film de notre promenade, à prendre à l'envers (commencez par la photo en bas à droite et remontez de droite à gauche vers le haut). Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

dimanche 7 octobre 2007

Sept-Îles ?

La semaine dernière, j’ai suivi Marie-Eve à Sept-Îles. Elle y assistait à un colloque. Moi, j’ai mis mon nez sous les pots d’échappement et erré dans les couloirs glauques du motel « Les mouettes ». Sept-Îles, à 500 km de Natashquan, est la vraie capitale de la région. Selon les normes canadiennes, il s’agit d’une ville, puisqu’elle compte plus de 10 000 habitants. La route 138 y est rebaptisée Boulevard Laure. Et les maisons, hôtels et surfaces commerciales sont agglutinées tout le long de cette charmante artère.

Voilà Sept-Îles. Le centre-ville est à aller chercher du côté du Mc Do et du Wal-Mart, les seuls que l'on puisse trouver à 800km à la ronde (chose extrêmement rare en Amérique du Nord) !



De gauche à droite, le 'boulevard' Laure (vous apercevez sur la droite la pancarte de mon motel), le Mc Donald's et le Wal-Mart.

Le motel est splendide, murs en linoléum, sols en velours poilu, american breakfast et vue sur les voitures.


Vues du motel "Les mouettes"


Lorsqu'un habitant de Natashquan se rend à Sept-Îles, il est prié de prendre commande de différents produits et accessoires introuvables à ramener au village. Quelque soit le motif de la visite à Sept-Îles, il est donc indispensable d'être muni d'un grand coffre pour le retour. Nous avons donc passé nos fins d'après-midi dans les magasins du coin.

Voici par exemple quelques perles trouvées au dollarama (tout à un $) de Sept-Îles :


Entre autres choses, un "Nom de Dieu" avec Colette Nys-Mazure, un guide de New-York "version 2001" et un superbe cd "Bach & Bagels" que nous nous sommes empressés de tester !




Cette semaine sur le blog, vous retrouverez de splendides photos de notre escapade le long de la plage jusqu'à la réserve indienne de Pointe-Parent, ainsi qu'un retour sur mon premier mois Natashquanais, qui répondra à des questions que vous êtes nombreux à me poser sur mon futur emploi, sur les gens du village et la vie quotidienne à Natashquan. Plus tard, je m'efforcerai de vous présenter la région de manière plus thématique : histoire de Natashquan et de la région, présentation des Montagnais (ou Innus), la pêche, la chasse et la trappe dans la région, etc.


Bonne semaine !

lundi 1 octobre 2007

Magasinage au Havre



Le Havre-Saint-Pierre, à 150 kilomètres d’ici, c’est la « ville » pour les gens du coin. En fin de semaine, ils sont nombreux à « monter au Havre » pour leur « épicerie ». C’est vrai qu’on ne trouve pas grand chose à Natashquan, et que c’est souvent très cher. Samedi dernier, nous sommes donc montés dans la voiture de… Monique pour remplir notre frigo. Imaginez vous que deux heures trente de route pour faire les courses, c’est un peu comme si, habitant Arlon, vous vous rendiez à Bruxelles pour acheter de quoi manger, ou que de Tournai, vous descendiez à Paris. Sauf qu’ici, notre route ne croise que des sapins, des oiseaux, des lacs, des rivières et deux villages – Aguanish et Baie-Johan-Beetz. Et que le Havre n’est composé que de quelques centaines d’habitants, tous acadiens, et que le vent souffle autant qu’à Natashquan. Mais bon, on sent qu’il s’agit d’un centre : il y a quelques trottoirs, un parking et deux feux de signalisation.



Vues de la route vers Havre-Saint-Pierre

Vraiment, il y a tout ce qu’il faut au Havre-Saint-Pierre. Nous commençons notre tour au SAQ (le comptoir d’alcool canadien) et ressortons avec, notamment, une bouteille de Chimay bleue « Grand Cru ». Ensuite, c’est le magasin de « bureautique », d’où nous ressortons avec un jeu de Yathzée, en prévision des longues soirées d’hiver. Suivent la quincaillerie et le magasin de « plein-air » d’où je ressors avec une gigantesque paire de monstrueuses bottines d’astronautes – dites bottes, indispensables, paraît-il, pour survivre à l’hiver. L’essayage est divertissant, car je peux à peine plier les jambes avec ces chalutiers au pied – la plus grande pointure du stock évidemment –, et manque de renverser plusieurs rangées d’articles alors que je promène dans les rayons du petit magasin.


L'entrée, l'épicerie centrale et le casse-croûte "Le Capayou"

La pause du midi se fait dans un casse-croûte acadien, que nous avons préféré au dernier instant au Subway© qui a poussé à côté tout récemment. Après un hamburger-poutine (des frites baignées dans du fromage fondu et du jus de viande) revigorant, nous nous élançons dans les rayons infinis de l’épicerie « Tradition », dont le slogan, ironique ou pas, est « si proche de vous ». Nous sommes de retour à Natashquan à la nuit tombante, vers 18h.


Mes nouvelles "bottes d'hiver"

Le jardin de Natashquan

Samedi 22 septembre, Marie-Ève et moi sommes partis en reconnaissance dans la région. C’est Monique, collègue de Marie-Ève, qui fut notre guide. Au programme, onze kilomètres au cœur de la faune et de la flore de Natashquan, suivant une piste appelée « le pas du Portageur ».

Cette piste permet de rendre compte de la richesse de la flore du coin, pas toujours apparente au premier coup d’œil. En effet, vue de la route 138, la nature des environs de Natashquan semble parfois désolée, faite de tourbières et de résineux chétifs. Mais alors que l’on s’enfonce plus dans les terres et que l’on s’éloigne de la mer, on voit réapparaitre une vraie forêt, dense en feuillus.

Le sentier que nous empruntons s’enfonce tout d’abord vers la rivière Natashquan – on peut d’ailleurs observer cinq superbes chutes au long du parcours -, avant de remonter sur un plateau de toundra et de roches. Cette « sortie » de la forêt donne une vue imprenable sur des étendues infinies de rien du tout, d’eau, de roches et de sapins.


La "quatrième" et la "cinquième" chute.

Dans la toundra, dans les tourbières, c’est au sol que ça se passe. C’est au sol que l’on remarque que l’automne est déjà avancé, que l’on comprend que cette grande étendue offre d’innombrables richesses : champignons de toutes sortes, plantes carnivores, anis sauvages, graines rouges ou berry, thé des bois.


La richesse du sol

La faune a de quoi effrayer un pied-tendre belge : ours, loups, orignaux, aigles, vautours, pour ne citer que les plus dépaysants. Ce n’est pas pour rien que Natashquan veut dire « Là où l’on chasse l’ours » ; j’ai pu très vite le vérifier. Ça faisait rire Monique et sourire Marie-Ève, mais je flippais sévère. Mon « répulsif à ours » à la ceinture, je ne cessais de siffler pour avertir ces énormes monstres de notre passage sur leur territoire. D’après Monique, aucune raison de s’inquiéter, un ours se taille dès qu’il entend ou voit des humains s’approcher. Elle doit savoir de quoi elle parle, elle qui a vécu à Shefferville à 60° sous zéro, entourée d’ours et de loups. N’empêche, je ne peux m’empêcher de passer en revue toutes les éventualités d’attaque : et si l’ours était pris par surprise ? et s’il cherchait ses petits ? s’il était blessé ou que sais-je encore ?



Après une heure de marche dans la forêt et une succession de bruits inquiétants, nous trouvons sur notre chemin quelques excréments d’ours. Des grosses boulettes noires. Déjà, je veux faire demi-tour. Mais nous continuons, et je redouble mes sifflements ridicules, tout en lisant et relisant le mode d’emploi de mon répulsif.

Quelques kilomètres plus loin, sur la toundra, j’en aperçois un, un gros ours brun. Il dort sur une pierre à quelques dizaines de mètres de nous. Je le montre fébrilement aux deux femmes et leur annonce que je fais demi-tour immédiatement. Monique dit que s’il dort, on peut le contourner. Devant le calme apparent des deux femmes, je décide de les suivre, pâle comme un mort. Après quelques mètres, Monique éclate de rire : il n’y a jamais eu d’ours sur la pierre. Il ne s’agit que d’un ignoble tonneau métallique abandonné là.




L'ours affalé sur la pierre.

Le reste de la promenade se passe sans autre rencontre majeure, si ce n’est le dentiste de Pointe-Parent, la réserve indienne.


Ce panneau a-t-il été écrit par un acadien ou un grand distrait?