mercredi 5 décembre 2007

Novembre ou l'hiver avant l'heure

Lundi 26 novembre, voix nasillarde de la speakerine de CKNA : Aujourd’hui le soleil se lève à 6h48 / le soleil se couche à 15h07 / maximum de –7 pour le jour / maximum de –17 pour la nuit / vents de 20 à 40 km/h avec rafales à 60. 40% de probabilité d’averse de neige. Poudrerie par endroit.



L’hiver est arrivée en avance. Comme au bon vieux temps, celui d’avant la mondialisation du réchauffement climatique.

Novembre à givré, glacé, fondu, reneigé. Le tapis est solide, une trentaine de centimètres. On a sorti l’attirail de circonstance : pelle, traîneau, botte, tuque en laine, mitaines rembourrées, fourrure, raquettes, moisturiser. Ça souffle sec.

La balayeuse passe et repasse. L’Échouerie est remplie : marins, pilotes, infirmiers, policiers, débardeurs. Il n’y aura pas d’avion avant demain. On prend des nouvelles du Nordik Express. Il a 18h de retard. En fait, il n’a pas encore quitté Rimouski ou Blanc-Sablon. C’est pas grave, on reprend un café et, réchauffé par les guitares cubaines, on regarde par la fenêtre les Galets engloutis sous les bourrasques blanches.



Le soleil nous quitte vraiment trop tôt. Alors on se bourre la gueule : du rhum, de la chartreuse, des herbes et des épices. On est entre amis, une table au milieu de nulle part, à des milles du premier coin de ciel. La lune est pleine et son clair nous baigne, on sort, on marche, on se repère aux sapins. On s’enivre de neige.


À droite, petite piste menant à l'aéroport. À gauche, les petites rivières ont déjà gelé.

Dès le lendemain, on sort les ski-doos, sans attendre la glaciation des rivières. Pour le moment, on va se contenter de tourner autour du village. Il y a une belle piste derrière la rue Caillou, qui va jusqu’à l’aéroport. On va réchauffer les moteurs.


C’est Noël avant l’heure, CKNA nous joue les jingle bells. On fait clignoter la cabane pour se donner de la chaleur, et on laisse tourner les moteurs. Le feu crépite dans le poêle. La soupe de légumes surgelés bouille dans le plus grand chaudron. On a mis du cognac dans le café. Et au marché de Natashquan, on joue des reels endiablés.

Novembre n’aura pas beaucoup plu. Il annonce un hiver rude, dur, froid, sec et giboulé. Il annonce au moins ça, c’est blanc, c’est beau, c’est grand. Du coup, Novembre est un peu moins triste, moins abattu qu’à l’habitude. Et du coup, le novembre de Gilles Vigneault ressemble à son frère de Belgique :

Aux fenêtres mélancoliques
Ou rien n’arrive que d’ennui
La pluie insiste avant la nuit
Par des grisailles faméliques

Je suis plus seul et plus nombreux
Que les mots ne sauraient le rendre
Je suis si cruel et si tendre
Que je n’en suis pas malheureux

Je reste à regarder la vie
Couler le long des toits mouillés
Immobile par mes souliers
Que nul chemin plus ne convie

Mon éternité d’apparat
Ne m’ayant fait dupe ni fourbe
Je forme échine d’une courbe
À la mémoire de vos bras.

Le ciel est haut, même s’il dure de moins en moins longtemps. Mais pas de quoi pendre un canal, pour le moment.


Table à l'Échouerie

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