samedi 19 janvier 2008

Expressions

Ceux qui me lisent depuis les débuts de ce blog ont certainement pu observer à quel point ma première expérience de la neige a progressivement pris le dessus sur tous les autres volets de mon séjour à Natashquan, comme s’il n’existait plus que l’hiver ici. Et il est vrai que tout autre sujet me paraît dérisoire en comparaison aux douceurs et rigueurs de la saison froide. Si mon but était ici de vous dépayser (je parle à mes compatriotes), il n’y en aurait que pour la neige et la glace. De peur de me répéter, je vous annonce donc qu’au moins deux articles au contenu moins enneigé sont en chantier. Le premier est consacré à la création du village, aux Montagnais et à l’origine des habitants de Natashquan. Le second se concentre sur l’apparition progressive de la vie moderne à Natashquan, du télégraphe à l’Internet. Ce sera pour la semaine prochaine.

Pour passer le temps d’ici là, voici quelques expressions communes de la langue française que je me suis plu à revisiter sous le soleil de Natashquan. Ça a commencé parce qu’un policier me contait à l’Échouerie que sa blonde l’avait quitté pour un autre tandis qu’il chassait sur l’île d’Anticosti. Pour la première fois, je rencontrai quelqu’un illustrant l’adage « Qui va à la chasse perd sa place ».

Et je me suis rendu compte que d’autres expressions prenaient tout leur sens ici. Ainsi, une nuit « baignée de clair de lune » ne saurait l’être plus que de notre jardin. J’ai pareillement pu observer qu’au mois de novembre, quand l’hiver n’est pas encore très sûr de lui, la neige au soleil ou à la pluie « fond comme neige au soleil ».


Les Galets vus de l'Échouerie

Nous avons subi trois grosses tempêtes ces deux dernières semaines. Et rien n’est plus beau que « le calme avant/après la tempête ». La mer s’immobilise, le ciel prend un bleu intermédiaire, le vent disparaît, et le silence le plus profond s’installe sur le village et la plage. Soudain, au fond de l’horizon apparaissent, telles des armadas vikings, d’immenses nuages variant du gris au noir qui, en quelques minutes, atteignent le village et le mettent sans dessus dessous. Neige, grêle, vent destructeur, vagues furieuses, poudrerie aveuglante. Notre maison en bois, qui n’a heureusement pas été construite par un petit cochon, résiste en craquant au souffle dévastateur de l’ouragan. Ça dure une couple d’heures ou de jours. On ferme la route, l’électricité saute, la neige recouvre portes et voitures. Et puis, en quelques minutes, les bourrasques faiblissent, le bleu transperce le gris et le blanc, la mer se calme, la neige retombe en planant sur le sol. Toute cette extraordinaire force enragée s’en va voir ailleurs. Le ciel est bleu, il n’y a plus un bruit. On tente un pied dehors, après avoir dégagé la porte recouverte d’une montagne de neige, Les oiseaux reviennent, on entend plus au loin que les bruits de pelles qui s’affairent à remettre de l’ordre dans le paysage et les moteurs crachotants qui tentent de redémarrer.

Malheureusement, la tempête n’est pas très photogénique. Il faut voir, la nuit, l’éclairage public vaciller sous les colonnes de vent chargées de neige. Il faut prendre une marche plié en deux, sans aucune visibilité, jusqu’à la plage. Faute de pouvoir vous faire ressentir ce déchaînement fabuleux, voici quelques instantanés du « calme avant la tempête » qui a démarré hier vers 17h et qui souffle encore abondamment aujourd’hui.



vues du pont de Natashquan et de l'auberge "Le Port d'attache"

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Oh non! Continue à raconter la neige, le ciel, le vent et le silence...
Entre tes textes et les courriels de mon fils ( il est ,lui, au Nouveau Brunswick : aussi froid, de la neige bien sûr mais un ciel moins changeant ), entre tes photos et les siennes ( difficile d'imaginer les couleurs sans les photos ), j'oublie presque mon Paris tout gris, tout mou...

Il n'empêche que j'attends avec impatience tes futurs articles plus "historiques". J'ai bien potassé quelques numéros de la "Revue de la Côte Nord" mais j'ai encore beaucoup de choses à apprendre ! J'aimerais bien, par exemple, en savoir plus sur la communauté indienne aujourd'hui et ses rapports avec le reste de la population... Malgré le petit nuage sur lequel on flottait l'été dernier, on est tout de même resté perplexe et très mal à l'aise devant les réserves de Betsiamites ou de Moisie... Tout n'est visiblement pas idyllique dans ce pays si beau...A propos, pourquoi, dans un de tes premiers articles, parles-tu uniquement des petits Montagnais de M-Eve ? Tous les enfants ne sont-ils pas ensemble ?

Bon, quand même, n'oublie pas de nous parler des nuages...