dimanche 28 octobre 2007

Bûcheronnage et autres nouvelles


Après Natashquan

J’avais acheté une superbe veste à carreaux, molletonnée et tout, l’habit à la dernière mode de Natashquan, le truc parfait pour travailler dehors sans avoir froid. Jusqu’ici, je me contentais de me promener avec de la maison à l’école et de l’école à l’épicerie. Je buvais aussi parfois une Budweiser ou une Black Label sur le banc de ma terrasse, en remontant la visière de ma casquette pour regarder la mer, le coucher de soleil et les étoiles.

Depuis une semaine, j’ai une excellente raison de porter ma chemise à carreaux molletonnée et de boire de la « Bud » : avec Stéphane, l’infirmier du village, nous allons couper le bois sur la route de Kegaska. Dès que le temps le permet, nous chargeons nos scies et nos haches dans un superbe pick-up vert et c’est parti. Nous avons acheté au ministère des ressources naturelles (à un prix dérisoire), un permis qui nous autorise à couper de quoi stocker trois cordes de bois.

Natashquan, finalement, c’est grand comme la Belgique, et nous pouvons aller où nous voulons. Aucune restriction, si ce n’est le flanc sud de la route 138, c’est-à-dire la rangée d’arbres qui borde la mer. On ne va tout de même pas défigurer le paysage lorsqu’il y a des centaines de kilomètres de forêt de l’autre bord de la route. Nous avons trouvé le « spot » parfait à l’endroit exact où se termine la route. De nombreux sapins y sont tombés avec le vent.

Il faut habituellement couper le bois lorsque la lune décroît, car c’est à ce moment-là que l’eau s’évapore de l’arbre. Nous trichons un peu, mais comme nous ramassons plus que nous ne coupons, ce n’est pas si grave. Le bois que nous prenons maintenant ne pourra pas être brûlé tout de suite. Il faudra attendre au minimum un an avant qu’il ne sèche suffisamment. Nous le stockons donc dans la remise, pour plus tard. De toute façon, Marie-Ève et moi avons déjà commandé trois cordes pour cet hiver à un gars d’Aguanish. Ce ne sera pas suffisant (nous nous y sommes pris trop tard), mais ce sera toujours ça.

Pour ce bois-là, qui nous servira cette année, j’ai appris grâce à mon voisin Lionel et à l’infirmier Stéphane à fendre les bûches à la québécoise, en « laissant tomber » de toutes ses forces une grosse hache sur le rondin. C’est épatant de voir de gros morceaux se fendre en deux après une couple de coups ! Épatant aussi de voir ses muscles se développer aussi rapidement… Le bûcheronnage vaut toutes les salles de musculations du monde !



La vraie fin de la route, Stéphane au travail, le "spot parfait" et le résultat de trente minutes de travail.

Je vous ai parlé de la route de Kesgaka : Kegaska est un village anglophone situé à une cinquantaine de kilomètres d’ici. Mais attention, car la route de Kegaska ne mène pas à Kegaska, puisqu’elle s’arrête 18 kilomètres après Natashquan. Pour se rendre là, il faut prendre le bateau, ou attendre l’hiver et s’y rendre en motoneige.

Il y a dix ans, Natahsquan était dans la même situation, sans route la reliant aux autres villages. Imaginez avec quelle libération les villageois de l’époque accueillaient les premières neiges. Celles-ci leur permettaient enfin, grâce aux traîneaux et plus tard aux motoneiges, de rejoindre les villages voisins.

Sur la route de Kegaska, qui ne mène exactement nulle part, la circulation est assez importante en cette fin d’automne. On y croise les « quatre-roues » des innus qui font la course, les camionnettes des chasseurs à la recherche de pistes où venant vérifier leurs collets, d’autres bûcherons ou encore des cueilleuses de fruits (ce n’est plus la saison de la chicoutée, dont il faut absolument que je vous parle, mais l’on trouve encore des berrys dans les clairières).

Stéphane m’a dit qu’en hiver ce sera encore plus le fun, parce qu’on ira bûcher en motoneige (ici, il faut dire ski-doo). On pourra donc atteindre facilement des endroits éloignés de la route.

Vous me suivez toujours? Quelle confusion ! Il est tellement difficile de vous expliquer quelque chose sans immédiatement avoir envie d’en expliquer des centaines d’autres. Voilà pourquoi ce blog semble s'essoufler un peu. C'est qu'il se passe plein de choses ici, et la vie quotidienne de Natashquan est passionnante à qui la découvre.

Je suis donc en train de vous préparer des articles très thématiques sur la vie du village et son histoire, dans le but de vous transmettre certaines bases qui vous permettront de mieux comprendre par la suite mon expérience à Natashquan. Je vous raconterai quand est arrivée l’électricité ou la télévision, comment le facteur acheminait les lettres jusqu’à Natashquan avant la route, comment a été accueillie la construction de cette route, qui sont les innus et quelle est leur histoire, ce que signifient la chasse et la pêche pour les villageois, qui sont ces villageois et qu'en reste-t-il, s’il existe encore des trappeurs et si l’on mange autre chose que du poisson (entre autres choses)…

Je vous promets aussi, pour cette semaine, des nouvelles de ma santé et de mon travail.

Jusqu’au revoir,

Guillaume.

3 commentaires:

Unknown a dit…

Je suis très impatient des nouvelles de la santé et du travail. Sans autres farces, ça a l'air vraiment chouette par chez toi et rafraichissant. Mais qu'est ce que c'est qu'une chicoutée?
Bien le bonjour des Bouddhas.

Guillaume Hubermont a dit…

Je prépare un article sur la chicouté (ou chicoutai) pour la fin du mois...

Frédéric Dalmas, Républicain et citoyen a dit…

Ah, je vois que la fin de la route a avancé depuis que j'y suis allé :)
C'était l'été 2003.
La fin d'un périple de 1400 km depuis Québec... sur le pouce !
J'aurais pas eu le courage d'aller m'y isoler pendant une année. Bravo !